vendredi 14 mai 2010

Le Madhya Pradesh détient le record de malnutrition infantile en Inde

L’Inde est le pays qui compte le plus d’enfants touchés par la malnutrition dans le monde. A l’intérieur du sous-continent, l’Etat du Madhya Pradesh détient lui-même ce triste record.

Madhya Pradesh (MP) signifie "Etat du Milieu" en hindi. Ce cœur de l'Inde détient pourtant un triste record national : 60% des enfants qui y vivent souffrent de malnutrition, un phénomène qui a mené au décès d'un demi million d'enfants de moins de cinq ans dans l'Etat, entre 2005 et aujourd'hui.

La population du MP, mélange de groupes ethniques, castes et tribus, dépend essentiellement du blé et du riz pour vivre. Cependant ces dernières années, la production a chuté dramatiquement dans la région. Sachin Jain, journaliste, écrivain et chercheur sur le développement en Inde, conseiller pour le MP auprès de l'ONG indienne Right to Food, nous en explique les raisons : "Les terres cultivables au MP ont été investies par des industriels pour y installer leurs usines. Des sécheresses à répétition et les désastres liés au changement climatique ont mené à la situation alarmante de crise alimentaire que l'Etat connaît aujourd'hui".

Ainsi, 40% de la population du MP vit en dessous du seuil de pauvreté. Cette situation touche d'abord les êtres les plus vulnérables : les enfants de moins de cinq ans. En effet, la majorité d'entre eux ne peut pas avoir accès aux protéines, graisses et autres nutriments essentiels qui leur permettraient de bien construire leur système immunitaire au cours des premiers mois de leur vie. Dans ce cas, la malnutrition joue un rôle dans le décès de l'enfant, emportés par de fortes diarrhées, grippes ou autres maladies.

Fait aggravant, les programmes alimentaires développés dans l'Etat pour aider les enfants souffrant de ce fléau ne fonctionnent pas correctement. Sachin Jain explique que ceci est d'abord dû à un "phénomène de migration interne". Les parents partent en effet de plus en plus pour les grandes métropoles dans le but d'y travailler sur les chantiers de construction, puisqu'ils ne peuvent plus cultiver leurs terres et vivre de l'agriculture dans leurs villages. Ils prennent alors leurs enfants avec eux, et les plongent malgré eux dans une situation précaire et d'insécurité qui rend difficile l'accès aux aides alimentaires.

Ensuite, "le système ne marche pas", car rongé par la corruption. New Delhi prévoit le renforcement de la somme d'argent versée dans le cadre du projet de loi pour les subventions alimentaires, qui devrait atteindre les 100 000 crores de roupies par an (environ 17 milliards d'euros). Néanmoins, cette somme considérable a toutes ses chances d'être perdue si la bureaucratie corrompue n'est pas réformée en profondeur. "On voit que le budget augmente mais que les aides n'arrivent pas à la population. C'est un gros défi pour le gouvernement actuel". La multiplication d'intermédiaires dans le versement des aides, en plus de l'absence d'un corps indépendant de surveillance des transactions, contribue à renforcer la corruption.

"Le droit universel à l'alimentation est le seul moyen d'assurer la sécurité alimentaire totale dans le pays". Pour le chercheur, la situation dramatique que subissent les enfants au MP ne sera résolue que si l'application effective et correcte de l'ICDS (Services intégrés pour le développement de l'enfant) devient une priorité, à laquelle devront s'ajouter la lutte contre les effets de migration et la corruption.

Lancé en 1975, l'ICDS est le seul programme d'envergure nationale qui répond aux besoins sanitaires et nutritionnels des enfants de moins de six ans. C'est pourtant un échec cuisant. Les services de l'ICDS sont fournis à travers un vaste réseau d' "anganwadis", des centres de soins médicaux dédiés aux mères et aux enfants. Actuellement, le MP n'en compte que 70 000, alors qu'il devrait en avoir 136 000. L'Etat accumule donc tous les records, dont celui du manque de soins apportés aux enfants, comparable à l'Éthiopie et au Tchad dans ce domaine.

"La faim est la pire forme de violence", avait dit Gandhi. Elle décime actuellement le MP, cœur mourant du sous-continent. Il serait temps que l'Inde émergente s'active concrètement et efficacement pour enrayer cette épidémie.

Publié sur Aujourd'hui l'Inde (http://www.aujourdhuilinde.com/home.asp)