vendredi 4 juin 2010

"La nuit aux étoiles" ou les dessous cruels de Bollywood

L’industrie cinématographique de Bollywood est un emblème de l’Inde, sans doute le plus universellement connu. L’auteur à succès Shobhaa Dé prend le parti d’en peindre les coulisses, un univers glauque dans lequel tente de survivre la jeune actrice Aasha Rani.

Aasha Rani est une étoile brisée. Jeune fille originaire de Chennai (sud), elle a d'abord brillé de mille feux à Bombay, puis s'est laissée lentement dérivée, grisée, au firmament trompeur de Bollywood. Son conte dénué de féérie lève le voile sur l'envers de la première industrie cinématographique mondiale, faite de paillettes tapageuses, de désillusions, d'amour dénué de sentiments, un royaume tenu d'une main de fer par des maquereaux rois du cinéma, dont les relents âcres de "whisky bon marché, de kebabs pleins de graisse et d'oignons fris" en ont anéanti plus d'une.

La nuit aux étoiles est le dernier roman de Shobhaa Dé, romancière indienne engagée et célèbre à travers le monde. De façon cru et parfois brutale, elle casse le "mirage Bollywood" qui fascine, séduit et hypnotise l'écrasante majorité des jeunes filles en Inde. En fait un endroit pourri tenu par de la vermine masculine qui n'hésite pas à profiter des jeunes débutantes, dont les premiers pas à Bombay leur apprendront à oublier leur corps dans les mains de n'importe quel producteur ou réalisateur peu scrupuleux, sans garantie que la "promotion canapé" les propulsent un jour au sommet.

"C'est au lit que tout se décide"

Kishenbhai, producteur à petits succès, est le premier à avoir profité de la jeune Viji, quinze ans, 90 de tour de poitrine : "une fille de Madras, un peu gauche, disgracieuse, avec quelques kilos en trop. Et trop noir de peau ! Chee !" Progressivement, de lits en lits et de producteurs en producteurs, la nouvelle nommée Aasha Rani deviendra malgré tout une star adulée de Bollywood. Un énorme succès méthodiquement calculé par sa mère, amma, depuis le jour où leur père, appa, célèbre producteur de films à Madras, abandonne sa famille pour se réfugier dans les jupons d'une jeune "poupée". Dès lors, Aasha Rani subit le maquillage à outrance, les soirées en compagnie d'hommes douteux, puis les films porno dans lesquels amma la force à jouer alors qu'elle n'a même pas douze ans.

Arrivée au pinacle de sa gloire, l'envoûtante Cendrillon aux gros seins commet néanmoins l'erreur de sa carrière lorsqu'elle tombe éperdument amoureuse d'un prince de pacotille, Akshay Arora, qui l'utilise pour tenter de redonner un souffle à sa vie professionnelle. Alors qu'elle subit les affres de son amour pour le "tombeur de Bollywood", qui va la pousser à abandonner le cinéma, Aasha Rani trouvera finalement une relative stabilité émotionnelle en Nouvelle-Zélande. De retour quelques années plus tard en Inde, elle se retrouve nez à nez avec des affiches sur lesquelles pose sa jeune sœur, Sudha, égoïste et jalouse du succès de son aînée, qui se transformera en sa pire ennemie.

"J'aurais pu raconter d'autres histoires"

Pendant plus de dix ans, Shobhaa Dé a été rédactrice en chef de Stardust, un magazine populaire indien consacré au cinéma. Une fonction stratégique, qui lui a permis d'observer et de pénétrer l'univers intrigant de Bollywood. "J'aurais pu raconter d'autres histoires. J'ai choisi celle d'Aasha Rani, tour à tour vulnérable et manipulatrice, parce qu'elle m'a semblé particulièrement intéressante à raconter. C'est avant tout une histoire de sexe et de survie à Bollywood", a déclaré l'écrivain à succès lors de son passage en France, en mars dernier, pour y faire la promotion de La nuit aux étoiles.

Même si le roman est corrosif, bercé de désillusions et d'obstacles d'un bout à l'autre, la figure fascinante de l'héroïne et son combat pour rester elle-même dans la jungle de Bollywood rend la trame captivante, et offre une démystification intéressante de cet univers. Un envers du décor que chacun gardera à l'esprit.

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mercredi 2 juin 2010

L’Hindutva veut s’inviter au sein des écoles chrétiennes de Mumbai

La récente proposition de la corporation municipale de Mumbai (BMC) d’introduire la "culture" hindoue au sein des écoles chrétiennes provoque indignation et opposition dans l’univers éducatif.
Les écoles chrétiennes de Mumbai ont décidé de s'opposer à la proposition des autorités civiles du Maharashtra (sud) d'introduire l'Hindutva, autrement dit le "mode de vie hindoue", dans les écoles missionnaires de la capitale de ce vaste Etat.

C'est la BMC qui a présenté cette nouvelle proposition, mardi de la semaine dernière. Tandis que les écoles chrétiennes de l'Etat reçoivent une aide financière de la part de cette corporation, la suggestion a eu l'effet d'une bombe au sein des établissements missionnaires de la capitale économique indienne.

Sans surprise, c'est une coalition de droite hindoue surnommée "saffron combine", comprenant le Shiv Sena ainsi que le premier parti d'opposition en Inde, le Bharatiya Janata Party (BJP), qui est à la tête de la BMC. La proposition est actuellement examinée par le gouvernement Congrès de l'Etat du Maharashtra.

"[…] Beaucoup de membres de la corporation ont observé que tandis que ces écoles demandaient de l'aide à la BMC, elles ne respectaient pas les traditions hindoues. Si ces missionnaires viennent ici pour enseigner, ils devraient s'y conformer, dans la mesure où la majorité de leurs étudiants sont de cette religion […]" a déclaré Rukmini Kharatmol, président du comité d'éducation, cité dans The Times of India.

Le secrétaire général du conseil d'éducation de l'Archidiocèse (Abe), Gregory Lobo, a pour sa part défendu que les écoles chrétiennes promouvaient le respect de toutes les croyances, et qu'il n'y avait par conséquent pas lieu de mettre l'accent sur une foi en particulier. Pour les parents et la communauté universitaire, cette volonté d'introduire en force la culture Hindutva est inconstitutionnelle et injuste. L'Abe, qui gère les 150 écoles chrétiennes à l'intérieur et autour de Mumbai, se prépare donc maintenant à porter l'affaire devant la Justice.

Les quelques mesures phares sont par exemple l'apprentissage des traditions hindoues, l'augmentation du nombre de jours fériés pour la célébration de fêtes religieuses (comme Ganpati et Diwali), ou encore la permission donnée aux étudiants de porter des vêtements en relation avec l'hindouisme, ainsi que des bracelets, des bindis et du henné.

Une autre requête du "saffron combine" est la rédaction en marathi de toutes les communications entre les écoles missionnaires et la corporation municipale de Mumbai. Si cette mesure est intéressante à relever, c'est qu'imposer dans toutes les couches de la société la langue officielle du Maharashtra a toujours été le cheval de bataille du Shiv Sena. Une campagne plutôt contradictoire lorsque l'on sait que la majorité de leurs leaders, ainsi que plusieurs du BJP, préfèrent envoyer leurs enfants étudier dans de prestigieux établissements anglais, et non pas dans des écoles marathies.

Mais les demandes ne s'arrêteront pas là ; le comité d'éducation de la municipalité du Maharashtra a annoncé qu'il écrirait bientôt au ministère de l'Education nationale pour obtenir l'autorisation de renforcer et élargir sa liste de mesures.

Les deux partis hindouistes semblent donc déterminés à s'imposer au sein d'établissements placés sous la bannière d'une religion minoritaire, qui ne devrait pas avoir droit de résidence en Inde selon eux.

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vendredi 28 mai 2010

Un marché qui embaume les rues de la capitale indienne

A Baba Kharak Singh Marg, en face du temple du dieu singe Hanuman, a lieu chaque matin un marché où virevoltent des pétales dans tous les sens. Laissez-vous porter, le temps d’un papier, par les fragrances inédites du marché aux fleurs de Connaught Place.

Il est exactement 7h, heure locale, dans la capitale indienne. Cela fait deux heures que le célèbre tube de Jacques Dutronc aurait pu retentir à Connaught Place. Car ici, précisément en face du Hanuman Mandir, c’est à 5h que le marché aux fleurs s’éveille.

Selon la rumeur qui circule, ce marché, créé en 1995, serait le plus grand dans son genre en Asie. Mais Manoj Bhagra, grossiste, n’est pas dupe : "Au commencement, nous n’étions qu’une dizaine, puis le marché a rapidement grandi, et nous sommes maintenant plus de 500. C’est le plus grand marché aux fleurs en Inde, mais pas en Asie". Ses fleurs lui viennent du Karnataka (Bangalore), Maharashtra (Pune), de Thaïlande et de Chine. "Je vends surtout des lys et des œillets, mais j’ai aussi des roses et des orchidées".

Manoj a l’oreille constamment collée à son téléphone portable. Il nous fait comprendre que vendre des fleurs ici est une affaire sérieuse. S’il n’a pas voulu divulguer le montant de ses revenus, il avoue que ce métier lui permet de faire vivre toute sa famille "très confortablement". C’est auprès de Sumit Chachan, jeune vendeur dont le stand se situe à quelques roses de là, que nous prenons la mesure du train de vie possible d’un grossiste ici : "Mon chiffre d’affaire s’élève à environ 20 lakhs par mois (34 000 euros)". Ses clients sont des grands hôtels, fleuristes, décorateurs, entreprises, banques et autres bureaux gouvernementaux. A cette somme vient encore s’ajouter ce que Sumit gagne en tant que gérant de son propre magasin de fleurs dans la capitale, c’est-à-dire entre 10 et 12 lakhs par mois (de 17 000 à 20 000 euros).

Le jeune homme d’affaire n’est pas le seul à cumuler plusieurs casquettes. Shama Abhinkar, qui nous est présentée par Manoj comme étant sa "meilleure cliente", en porte elle-même trois. D’abord, même si elle est dans le commerce floral depuis 20 ans, Shama continue d’exercer en parallèle son métier de fonctionnaire, chaque jour, après 9h. Ensuite, elle est grossiste à Connaught Place. Elle importe notamment des œillets, gardénias et lys, en provenance des environs de Shimla (nord). Enfin, sa principale activité est l’achat de fleurs en gros, à son ancien associé Manoj, qu’elle revend par la suite à de grands groupes. D’ailleurs son meilleur client est le site matrimonial de rencontres Shaadi.com, qui s’approvisionne auprès d’elle pour organiser d’importants mariages en Inde.

Le marché aux fleurs de Baba Kharak Singh Marg n’est pas le seul existant dans sa catégorie à Delhi. Tout comme celui se situant à Fatehpuri, dans le nord, il est temporaire, tandis que celui de Mehrauli, dans le sud, est permanent. Seulement, une menace pèse sur ces trois marchés. "Cela fait dix ans que le gouvernement tente de les supprimer, pour créer un marché unique, permanent et convenable à Ghazipur", qui se trouve à une dizaine de kilomètres de là, annonce Manoj.

"Le nouveau marché ne va créer que des problèmes. Il est trop loin de Delhi, et le coût des transports se fera durement ressentir, sur nos finances comme sur la qualité de nos fleurs", explique Sumit. "Je ne veux pas aller là-bas", déclare simplement Shama.

L’avenir du marché aux fleurs de Connaught Place est donc en suspens. Mais pas de quoi effrayé Manoj : "Pendant quinze ans, mes affaires ont très bien marchées. Ce n’est pas Ghazipur qui m’empêchera de continuer ainsi pour les quinze prochaines années". Un relativisme à l’indienne décomplexé, toujours apprécié en ces temps d’incertitude.


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mardi 25 mai 2010

"Survivre à la grossesse dans la dignité" : un vrai combat en Inde

Du 21 au 28 mai se tient à l’Alliance française de New Delhi une exposition fermement militante. A travers vingt photos, elle retrace l’histoire de ces centaines de milliers de femmes, pauvres parmi les plus pauvres, décédées des suites de leur maternité.

La petite fille est au cœur de toutes les attentions. Le khôl qui entoure ses yeux noisette ne saurait masquer sa beauté, ni la force vitale qui la fait rayonner. Née prématurément, elle est miraculée, ayant survécu au drame qui a ravi sa mère, Shanti Devi, décédée quelques secondes après lui avoir donné naissance.

Présente lors de l'inauguration vendredi soir, on la retrouve aussi sur une photo centrale de l'exposition "Mera Haq (mon droit) : survivre à la grossesse dans la dignité". "Je me rappellerai toujours cette scène : petite pièce de deux mètres sur trois, Deepak, 11 ans, qui tient sa sœur dans ses bras tandis que la maman gît à côté, inerte", raconte Marta, jeune femme polonaise qui a cliqué les vingt clichés de l'exposition pour Human Rights Law Network (HRLN), un collectif d'avocats et d'acteurs sociaux œuvrant pour la cause des droits de l'homme.

"Cette petite fille est la star de notre exposition, c'est un vrai miracle !" clame quant à lui Colin Gonsalves, avocat qui a fondé et dirige maintenant le HRLN. Le but du collectif est d'avertir la population et le gouvernement sur le triste record que détient le pays, c'est-à-dire 25% des morts maternelles dans le monde. Les femmes les plus touchées vivent en général en dessous du seuil de pauvreté, et appartiennent aux catégories Scheduled Tribes (STs) et Scheduled Castes (SCs). Alors que les SCs constituent 16% de la population indienne, ils comptent pour 25% des morts maternelles dans le pays.

"Bien sûr, il existe des programmes gouvernementaux pour assurer la sécurité des mères, tout comme des plans d'aide à la maternité. Seulement leur mise en œuvre est défaillante, parce que les femmes ne sont pas considérées comme importantes, parce qu'on les traite comme des animaux", s'insurge Colin Gonsalves. Exemple à l'appui, il nous compte l'histoire de cette jeune fille enceinte, vivant de façon précaire à New Delhi, qui a fini par accoucher "sur le parvis d'un hôpital à Nizamuddin" ; l'administration de ce même hôpital venait de la refuser après avoir constaté qu'elle n'avait pas de logement fixe et ne pourrait pas payer les frais de sa prise en charge.

D'autres photos mettent en avant d'autres exemples. Comme celui de "Born in the Jungle", un petit garçon qui a vu le jour en pleine jungle, tandis que sa maman fuyait les forces armées dans le district de Dantewada, au Chhattisgarh (centre). Une photo un peu plus loin montre des médicaments par terre, recouverts de poussière. Ils forment le surplus normalement destiné aux pauvres mais qui, à cause d'un dispositif ne fonctionnant pas correctement, n'est pas distribué et se retrouve soit abandonné, soit brûlé.

Il est vrai que le système a fondamentalement besoin de réformes. En dehors de la corruption, un accès aux transferts sanguins efficace pourrait épargner 75% des morts maternelles dans le pays. Si la machine est grippée, c'est aussi parce que l'accès aux plannings familiaux et autres programmes est conditionné par l'obtention de la carte BPL, pour les personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, que beaucoup de migrants économiques illettrés ne possèdent pas.

D'autre part, les hôpitaux abusent de la confiance de leurs patients. A la mort d'un proche, les membres de la famille sont amenés à signer un petit papier rose bonbon, dont ils ne comprennent pas le contenu car écrit en anglais. Il s'agit en fait d'une décharge indiquant que la famille ne souhaite pas entreprendre d'examens post-mortem. La mort n'est alors pas reconnue comme conséquence de la grossesse et les aides ne sont pas débloquées.

L'exposition "Mera Haq (mon droit) : survivre à la grossesse dans la dignité" se tiendra jusqu'à vendredi dans la capitale. En attendant, le procès pour la mort de Shanti Devi, défendu par Colin Gonsalves, devrait avoir lieu cet après-midi à New Delhi.

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lundi 24 mai 2010

En Inde, la culture s’affiche aussi dans les centres commerciaux

L’Inde dénombre de plus en plus de "shopping mall" ces centres commerciaux immenses venus des Etats-Unis. La plupart d’entre eux consacre beaucoup d’importance à l’art et la culture, accueillant dans ce sens des concerts, spectacles et autres manifestations à l’intérieur de leurs murs.

Elles sautent aux yeux des visiteurs. Comme toute armée de fourmis qui se respecte, on dirait qu'elles grouillent, luisant sous le soleil tapageur de New Delhi. Immobiles, ces drôles de fourmis ont la couleur vert bouteille de créatures qui ont longtemps roulé leur bosse.

Elles ont été conçues par l'artiste indien Paresh Maity, avec des parties recyclées d'anciennes motos, et si elles se sont ainsi invitées au sein d'un grand temple de la consommation du sud de la capitale, c'est que la tendance du moment est d'afficher la culture dans les shopping mall. Select Citywalk, créé en 2007, met ainsi à disposition un amphithéâtre en plein air entouré de chemins pour piétons, parsemé de petites fontaines et mignons carrés de verdure. Son nom, "Sanskriti", signifie d'ailleurs "culture" en hindi.

"Les centres commerciaux en Inde ont une fonction sociale que l'on ne connaît pas en France", explique Bénédicte Alliot, attachée culturelle de l'Ambassade française en Inde. Les shopping mall sont des hauts lieux de rencontres, familiaux et du consumérisme, qui attirent en général les classes moyennes et aisées, en particulier le weekend. "C'est donc intéressant pour nous de pouvoir utiliser un grand espace public privatisé pour montrer des évènements sympas, à des gens qui ne seraient pas venus les voir autrement".

Si ce phénomène connaît actuellement un réel engouement, c'est que les shopping mall possèdent beaucoup d'atouts, qui priment sur le chaos urbain des autres endroits branchés de la capitale. Ce sont des espaces propres, climatisés et sûrs, qui offrent des services non négligeables, tels des places de parking, ascenseurs et escalators à profusion, des espaces réservés pour les enfants, cinémas, magasins de vêtements, restaurants, bars, cafés et boîtes de nuits. Ils volent ainsi la vedette aux marchés populaires, comme le M-Market de Greater Kailash 1 et 2, mais aussi les célèbres Sarojini et Khan Market.

Bénédicte Alliot envisage dans ce sens les centres commerciaux indiens comme des structures "par défaut", pratiques et providentielles. C'est d'ailleurs pourquoi le service culturel s'est rabattu sur Select Citywalk pour organiser certains évènements du festival Bonjour India, de novembre à février dernier. Le concert de Moriarty, groupe de musique franco-américain, ainsi que la parade des Girafes de la Compagnie Off s'y sont par exemple déroulés. "Le spectacle des girafes aurait été impossible à organiser dans les rues bondés de la capitale indienne. Il nous aurait aussi fallu obtenir des autorisations spéciales, ce qui prend des mois".

Importer la culture et l'art dans les shopping mall aidera très certainement à leur propre expansion. Cependant, il risque d'y avoir des conséquences, surtout au niveau social. Il ne faudrait par exemple pas que la perception de l'art se retrouve faussée, en quelque sorte assimilé à un bien de consommation comme les autres. Mais Bénédicte Alliot rassure, il n'y a pas de confusion possible ici : "On est dans la culture du divertissement, c'est-à-dire qu'il n'est pas question d'exposer du Picasso dans un shopping mall. Les évènements culturels qui s'y déroulent relèvent de la culture grand public, que l'on trouve par exemple en Angleterre".

La volonté de la culture et de l'art d'aller à la rencontre des gens en Inde, en s'exposant dans les shopping mall, est sûrement une bonne impulsion pour les intéresser. Il faut espérer que ce public, restreint et privilégié, fera à son tour l'effort de pousser un peu plus la porte d'un univers riche, qui ne s'arrête pas au bout d'un escalator dans un centre commercial.

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vendredi 21 mai 2010

"Tagore est devenu la voix de l’héritage spirituel indien"

Le début d’une année entière de célébrations en l’honneur du 150ème anniversaire de Rabindranath Tagore, le 7 mai de l’année prochaine, a récemment été lancée en Inde. Mais le plus bel hommage que ce demi-dieu du Bengale puisse recevoir est l’engouement qu’il continue à susciter auprès des jeunes générations.

Pour Pranab Mukherjee, ministre des finances, Rabindranath Tagore est "l’homme indien le plus célèbre dans le monde". Il est vrai que le fameux compositeur, écrivain, dramaturge, peintre et philosophe bengali, né le 7 mai 1861, a prouvé au monde entier le pouvoir et la puissance de sa plume à travers ses grandes œuvres littéraires, mais aussi ses compositions musicales.

Tagore en a écrit plus de 2000, réunis sous le nom de Rabindra Sangeet, des chants presque élevés au rang du sacré, qui s’inspire de la musique folk traditionnelle et de la musique classique indienne. Ce corps de chants contiendrait les connaissances d’environ cinq cent ans de littérature et de culture. "Pour le monde, Tagore est devenu la voix de l’héritage spirituel indien. Pour l’Inde, et en particulier pour le Bengale, il est devenu une institution vivante", déclare Arun Chanda, du duo Dr. Chef, un groupe de musique expérimental d’inspirations variées, qui explore les genres musicaux.

Une "institution" qui résonne toujours dans le cœur et la tête de tous, en se jouant des années qui passent et des générations qui se succèdent. Une "institution" qui défit le risque de voir son riche et précieux héritage disparaître lentement de la surface de la société, et des remous de sa mémoire collective.

Car Tagore et ses chants sont aujourd’hui "à la mode" en Inde. Modernes et variés, "ils couvrent tous les aspects de la nature, de la vie humaine et de ses émotions, que ce soit nos rêves et désirs, espoirs et aspirations, joies et vœux, succès et échecs". Une tendance assumée, sorte de responsabilité historique assurée, d’abord par les "puristes" du Rabindra Sangeet. Très disciplinés, ces farouches protecteurs de l’art traditionnel chantent a capella, ou seulement accompagnés d’un tanpura, harmonium ou tabla. En parallèle, ce sont les interprètes célèbres et groupes de jeunes musiciens qui parviennent le mieux à maintenir vivant les chants de Tagore. Depuis la levée en 2001 du copyright sur ses œuvres musicales, ils adorent improviser, créer, expérimenter et réinventer, chacun à leur manière.

Ce véritable engouement participe à l’intégration progressive de chants mystiques à la musique populaire indienne. Le célèbre groupe folk Bhoomi, du Bengale, a par exemple repris quelques morceaux du Rabindra Sangeet, déjà un peu folk par nature. Ils en ont modifié les arrangements, pour mieux toucher les jeunes générations tout en conservant l’esprit d’origine de la chanson. Le chanteur Shubhankar Banerjee a quant à lui sorti Songs of Tagore Unplugged, un album contemporain qui reprend des chants de l’érudit bengali, et dans lequel l’instrumentation moderne offre une alternative sonore apaisante et unique. Selon Arun Chanda, il est même possible d’ajouter une touche de "blues, jazz, reggae, country, folk ou rock, qui ne fait qu’enrichir le chant original, en ajoutant plus de couleurs et de dimensions à un morceau déjà magnifique".

Le Rabindra Sangeet séduit aussi Bollywood, la première industrie cinématographique mondiale pour laquelle les séances de chants et de danse sont essentielles. Tagore apparaît ainsi dans le film à succès Parineeta (2005), avec la chanson "phuley phuley", reprise sous le nom de "piyu boley". Quant au chant "tomar holo shuru", il fait se rencontré deux légendes indiennes ; il est en effet utilisé sous le nom de "chhukar merey man ko" dans Yaraana (1981), dont le héro est le grand Amitabh Bachchan.

D’autre part, il y a énormément de chants par Tagore directement influencés par la musique occidentale, qui peuvent ainsi être facilement adaptés par des groupes de musique, en utilisant une combinaison de quelques instruments modernes, tels des instruments à cordes, des percussions, violoncelle, guitare, tambour, piano, saxophone ou encore flûte, accompagnés d’un chant harmonieux. "Cela peut créer quelque chose de nouveau et original, qui peut vraiment être sympa si les arrangements sont bien effectués et ne s’éloignent pas trop du ton et l’esprit du chant initial".

De cette façon, Tagore et sa musique continuent de toucher toutes les générations, en un héritage précieux que font sans cesse revivre les jeunes groupes et chanteurs d’aujourd’hui, des liens indispensables, sorte de passerelles entre le Rabindra Sangeet et le monde contemporain. "Quelque chose de créatif, en harmonie avec la version originale et acceptable pour les oreilles n’est pas pour moi un sacrilège". Mais jusqu’où peut-on aller dans la reprise des œuvres de Tagore ? Peut-on par exemple envisager, craindre ou espérer, selon, une version métal de chants élevés au rang du sacré ? "Pour le moment il n’en existe pas, mais je n’écarte pas cette possibilité. Si l’esprit de la chanson est respectée, pourquoi pas ?"

Devendranath Tagore, père du demi-dieu du Bengale, avait vu juste lorsqu’il a déclaré, à la naissance de son quatorzième fils: "Il s’appellera Robindra, le soleil. Comme lui, il ira par le monde et le monde sera illuminé". Longue vie Rabindranath Tagore !

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vendredi 14 mai 2010

Le Madhya Pradesh détient le record de malnutrition infantile en Inde

L’Inde est le pays qui compte le plus d’enfants touchés par la malnutrition dans le monde. A l’intérieur du sous-continent, l’Etat du Madhya Pradesh détient lui-même ce triste record.

Madhya Pradesh (MP) signifie "Etat du Milieu" en hindi. Ce cœur de l'Inde détient pourtant un triste record national : 60% des enfants qui y vivent souffrent de malnutrition, un phénomène qui a mené au décès d'un demi million d'enfants de moins de cinq ans dans l'Etat, entre 2005 et aujourd'hui.

La population du MP, mélange de groupes ethniques, castes et tribus, dépend essentiellement du blé et du riz pour vivre. Cependant ces dernières années, la production a chuté dramatiquement dans la région. Sachin Jain, journaliste, écrivain et chercheur sur le développement en Inde, conseiller pour le MP auprès de l'ONG indienne Right to Food, nous en explique les raisons : "Les terres cultivables au MP ont été investies par des industriels pour y installer leurs usines. Des sécheresses à répétition et les désastres liés au changement climatique ont mené à la situation alarmante de crise alimentaire que l'Etat connaît aujourd'hui".

Ainsi, 40% de la population du MP vit en dessous du seuil de pauvreté. Cette situation touche d'abord les êtres les plus vulnérables : les enfants de moins de cinq ans. En effet, la majorité d'entre eux ne peut pas avoir accès aux protéines, graisses et autres nutriments essentiels qui leur permettraient de bien construire leur système immunitaire au cours des premiers mois de leur vie. Dans ce cas, la malnutrition joue un rôle dans le décès de l'enfant, emportés par de fortes diarrhées, grippes ou autres maladies.

Fait aggravant, les programmes alimentaires développés dans l'Etat pour aider les enfants souffrant de ce fléau ne fonctionnent pas correctement. Sachin Jain explique que ceci est d'abord dû à un "phénomène de migration interne". Les parents partent en effet de plus en plus pour les grandes métropoles dans le but d'y travailler sur les chantiers de construction, puisqu'ils ne peuvent plus cultiver leurs terres et vivre de l'agriculture dans leurs villages. Ils prennent alors leurs enfants avec eux, et les plongent malgré eux dans une situation précaire et d'insécurité qui rend difficile l'accès aux aides alimentaires.

Ensuite, "le système ne marche pas", car rongé par la corruption. New Delhi prévoit le renforcement de la somme d'argent versée dans le cadre du projet de loi pour les subventions alimentaires, qui devrait atteindre les 100 000 crores de roupies par an (environ 17 milliards d'euros). Néanmoins, cette somme considérable a toutes ses chances d'être perdue si la bureaucratie corrompue n'est pas réformée en profondeur. "On voit que le budget augmente mais que les aides n'arrivent pas à la population. C'est un gros défi pour le gouvernement actuel". La multiplication d'intermédiaires dans le versement des aides, en plus de l'absence d'un corps indépendant de surveillance des transactions, contribue à renforcer la corruption.

"Le droit universel à l'alimentation est le seul moyen d'assurer la sécurité alimentaire totale dans le pays". Pour le chercheur, la situation dramatique que subissent les enfants au MP ne sera résolue que si l'application effective et correcte de l'ICDS (Services intégrés pour le développement de l'enfant) devient une priorité, à laquelle devront s'ajouter la lutte contre les effets de migration et la corruption.

Lancé en 1975, l'ICDS est le seul programme d'envergure nationale qui répond aux besoins sanitaires et nutritionnels des enfants de moins de six ans. C'est pourtant un échec cuisant. Les services de l'ICDS sont fournis à travers un vaste réseau d' "anganwadis", des centres de soins médicaux dédiés aux mères et aux enfants. Actuellement, le MP n'en compte que 70 000, alors qu'il devrait en avoir 136 000. L'Etat accumule donc tous les records, dont celui du manque de soins apportés aux enfants, comparable à l'Éthiopie et au Tchad dans ce domaine.

"La faim est la pire forme de violence", avait dit Gandhi. Elle décime actuellement le MP, cœur mourant du sous-continent. Il serait temps que l'Inde émergente s'active concrètement et efficacement pour enrayer cette épidémie.

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mercredi 5 mai 2010

Carrefour est prêt à s'implanter en Inde

Carrefour aurait finalement trouvé le moyen de s’établir sur le sous-continent. Le groupe français aurait passé un accord avec l’Indien Future Group, qui va lui permettre de se faire une place dans un secteur très prometteur, encore fermé aux entreprises étrangères.

Carrefour, numéro un de la grande distribution en Europe et deuxième à l'échelle mondiale, aurait finalement signé un accord de partenariat avec l'indien Future Group, actuellement le plus gros distributeur dans le pays. L'information a été révélée hier par le quotidien Mint, associé au Wall Street Journal.

En vertu d'un accord conclu il y a trois mois, Future Group prévoirait l'ouverture de 150 à 300 magasins franchisés Carrefour au cours des cinq prochaines années, précise le journal, qui cite deux sources proches du dossier témoignant sous couvert d'anonymat. "C'est très ambitieux, compte tenu de la difficulté à trouver l'espace requis pour ces hypermarchés", a par ailleurs déclaré une des deux sources.

A Paris, une porte-parole nous a affirmé que le numéro deux mondial ne souhaitait pas commenter ses recherches de partenariat à l'étranger. Le quotidien Le Figaro précise en outre que le groupe n'annoncera sans doute pas la bonne nouvelle aujourd'hui à ses actionnaires, qu'il réunit en assemblée générale.

Pourtant, Carrefour avait avoué être en discussions avec de potentiels partenaires dans le pays en février dernier, sans pour autant les nommer. Cela faisait plusieurs années que le groupe cherchait à pénétrer le marché indien, de plus d'un milliard d'habitants, où la grande distribution sur le modèle de l'hypermarché peine encore à se développer. Mais sans succès.

Les sociétés internationales restent en effet entravées par l'interdiction de New Delhi sur la propriété étrangère des chaînes de grande distribution, qui les empêche de vendre directement aux consommateurs indiens. L'établissement d'accords de franchise avec des entreprises locales est donc le seul moyen pour eux d'opérer dans le pays.

En s'alliant avec Future Group, propriétaire de plusieurs chaînes de grands magasins dont Pantaloon Retail et Big Bazaar, le groupe emboîte le pas à ses principaux concurrents, notamment l'américain Wal-Mart (numéro un mondial), et le britannique Tesco. Wal-Mart, qui s'est établi dans le pays en août 2007, gère ses opérations grâce à une joint venture 50-50 conclue avec Bharti Airtel, conglomérat indien que le groupe français avait tenté d'approcher par le passé, en vain. Quant à Tesco, il s'est implanté en Inde en 2008, après avoir passé un accord avec Trent, filiale du géant Tata.

Le groupe français touchera des royalties sur les ventes, versées par son partenaire local, dont le montant n'a néanmoins pas été divulgué par les deux sources citées dans Mint. En outre, il apportera son savoir-faire en matière de logistique, de négociation avec les fournisseurs et de gestion de grandes surfaces, tandis que Future Group mettra à disposition sa connaissance des clients et du tissu local, essentielle pour négocier les meilleurs emplacements.

Le numéro un européen devrait ouvrir son premier magasin "cash-and-carry" dans la banlieue est de New Delhi en juin. Reste maintenant à savoir s'il réussira à tenir ses objectifs. Si oui, le sous-continent pourrait alors devenir la ligne de front de la bataille féroce que se livrent les géants de la grande distribution, pour la place de numéro un mondial.

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vendredi 30 avril 2010

Escapade littéraire au marché du livre de New Delhi

Chaque dimanche s’étale un marché étonnant dans le nord de la capitale indienne. Des livres ouvrant sur toutes sortes de contenus se déploient sans complexe sur le trottoir, à quelques centimètres des pieds des visiteurs.

Les livres du marché de Daryaganj savent régaler les pupilles de tous, jusqu'aux lecteurs les plus assidus. Ils se proposent de combler à chaque fin de semaine les spectateurs curieux avides de nouvelles évasions littéraires, et volent alors la vedette à l'historique Delhi Gate, au pied de laquelle ils se pâment.

Ce marché très populaire, situé à quelques rues des sièges de grandes maisons d'édition indiennes, est vieux d'une trentaine d'années. Les ingrédients de sa réussite ? On y trouve de tout, pour tous les goûts, tout âge et toute envie : romans, manuels scolaires et spécialisés (physique, économie, management, informatique), livres de cuisine du monde, dictionnaires, magazines people et féminin, livres pour enfants, magazines de décoration d'intérieur, de design… Quant aux plus fouineurs, ils y dénicheront certainement une multitude de petits bijoux, tel par exemple ce spécimen unique, manuel d'occupation conçu dans le but d'égailler les longues minutes que certains passent aux toilettes.

Farid Anwar est vendeur de livres à Daryaganj depuis vingt ans. Il trône au milieu de sa marchandise, debout, les pieds voltigeant sur les couvertures. "J'ai toutes sortes de livres, en anglais, espagnol, italien, français et même chinois ou japonais". Il suffit de demander, et si naguère le manuscrit convoité n'est pas présent en devanture sur le trottoir, aucun problème ; le vendeur s'éclipse un court instant dans une arrière boutique improvisée, qui, le restant de la semaine, accueille en fait un arsenal d'outils mécaniques. Le plus magique est qu'il en ressort presque à chaque fois avec le livre recherché.

En s'aventurant plus en avant au fil des pages, nous croisons Lalit, un habitué du marché. Cet homme actif d'une quarantaine d'années s'y rend un dimanche par mois, uniquement dans le but d'y dénicher du "matériel scolaire pas cher". Mais attention, pas pour ses enfants, pour lui. Car Lalit est étudiant en master de ressources humaines, depuis un an. "Je vise une promotion avec ces études, c'est très important pour moi. Mais je viens aussi ici pour acheter des magazines, et des romans en hindi. Je trouve à chaque fois ce que je cherche", conclut-il.

Mais alors, quel est le secret des vendeurs ? Comment se procurent-ils tous ces livres ? Anand Nanda, vendeur à Daryaganj depuis 16 ans, succédant à son père, accepte de nous éclairer : "Nous achetons les livres récoltés par des "scrap dealers", qui ramassent dans la rue les meubles et objets que les gens ne veulent plus". Certains libraires leur fournissent également des invendus. "Evidemment, le prix auquel nous les achetons est beaucoup moins cher que le prix sur le marché". Ainsi, même si cela dépend du type de livre, un roman par exemple vendu dans une librairie à 350 roupies (6 euros), peut être acheté seulement 50 roupies (80 centimes d'euros) à Daryaganj.

Déambuler ici un dimanche après-midi constitue donc une agréable sortie. Seul petit bémol, concernant les femmes : l'espace restant sur le trottoir qui permet aux potentiels acheteurs de se promener est vraiment réduit. Des mains baladeuses sont donc souvent à déplorer.

Malgré cela, et peut-être aussi la chaleur étouffante, le marché du livre reste un incontournable, comme un "best-seller" des sorties à New Delhi.

Publié sur Aujourd'hui l'Inde (http://www.aujourdhuilinde.com/home.asp)

70 ans sans boire ni manger… le miracle indien ?

Des médecins indiens s’interrogent en ce moment même sur le cas surprenant d’un yogi de 83 ans, qui affirme avoir passé plus de 70 ans sans eau ni nourriture. Placé sous haute surveillance et objet d’une série de tests médicaux, le sage est une énigme pour le corps médical.

Prahlad Jani, yogi à la longue barbe, vient tout juste d'être placé en observation dans un hôpital d'Ahmedabad (ouest). Cet ascète hindou y est actuellement suivi par une équipe de médecins fortement intrigués par son cas, des plus extraordinaires. En effet, ce fervent dévot, qui pratique la méthode brahmanique visant à se libérer des faiblesses du corps et à atteindre la communion avec la connaissance, affirme avoir survécu pas moins de 70 ans sans manger, ni même s'abreuver.

Le yogi octogénaire a donc été admis à l'hôpital pour une série de tests médicaux, placé sous observation 24 heures sur 24. "De cette observation jaillira peut-être la lumière sur la survie de l'homme sans eau ni nourriture", a déclaré le docteur G. Ilavazahagan, directeur de l'Institut national de défense spécialisé en physiologie.

Cet institut fait partie de l'organisation de recherche et développement du ministère de la Défense (DRDO), qui a déjà mis au point l'an dernier des grenades bourrées du piment le plus fort du monde, mis au point pour étourdir les émeutiers et disperser les foules.

Les tests médicaux conduits en ce moment même sur le yogi pourraient quant à eux "aider à élaborer des stratégies de survie lors de catastrophes naturelles, de conditions extrêmes de stress ou pour des missions spatiales sur la Lune ou sur Mars", a commenté le Dr. Ilavazahagan.

Les médecins lui feront très prochainement passer un scanner utilisant l'imagerie par résonance magnétique (IRM). Son cerveau et son activité cardiaque seront mesurés par des électrodes et il subira aussi des examens sanguins. Les tests devraient durer entre 15 et 20 jours. En outre, une caméra mobile le suivra à sa sortie, explique le neurologue Sudhir Shah qui fait partie de l'équipe.

"Le recours au scanner vise à comprendre quelle est l'énergie qui soutient son existence", a-t-il ajouté, expliquant que des soldats pourraient bénéficier de son apparente capacité à survivre. "Jani dit qu'il médite pour avoir de l'énergie. Nos soldats ne pourront pas méditer mais nous aimerions quand même en savoir plus sur l'être humain et son corps", a-t-il poursuivi. Les résultats devraient être connus d'ici deux mois.

Depuis le début, le sage n'a pas bu une seule goutte d'eau, ne s'est pas alimenté et n'est pas allé aux toilettes, a rapporté le Dr Ilavazahagan. Pourtant, il serait en pleine forme mentale et physique. Il est vrai que certaines personnes peuvent vivre sans nourriture pendant plusieurs semaines, le corps puisant dans ses réserves de graisse et de protéines. Mais l'être humain moyen ne peut survivre que trois à quatre jours sans eau.

Prahlad Jani déclare avoir reçu la bénédiction d'une déesse alors qu'il n'avait que huit ans. Depuis, il survit grâce à un trou dans son palais, par lequel tombent des gouttes d'eau dans sa bouche.

"Il n'est jamais tombé malade et peut continuer à vivre comme ça", a déclaré Bhiku Prajapati, l'un des nombreux adeptes.

Après 70 ans de vie supposée sans eau ni nourriture, il est facile de parier sur ce fait. Reste maintenant à savoir si cette histoire ne serait tout de même pas un peu magique, interrogation en attente d'une confirmation médicale.

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