mercredi 21 avril 2010

Une sombre campagne de vaccination fait scandale en Inde

A l’occasion de la journée mondiale de la santé hier, plusieurs associations et ONG ont lancé une campagne nationale de protestation contre un "projet pilote" de vaccination controversé, concernant des fillettes âgées entre 10 et 14 ans.

"Sarita était heureuse et pleine de vie." C'est ainsi que la décrivent ses parents, émus. Car la fillette d'une dizaine d'années est brutalement décédée fin janvier, après que plusieurs malaises et crises d'épilepsie ont agité son corps tourmenté.

Sarita vivait à Khammam, district pauvre et reculé de l'Andhra Pradesh. Dans cet Etat du sud de l'Inde ainsi qu'au Gujarat (ouest), 14 000 petites filles se sont faites vacciner, entre juillet 2009 et janvier 2010, dans le cadre d'une "étude nationale d'observation" contre le VPH (virus du papillome humain), qui peut mener au cancer du col de l'utérus.

Le programme a été mené conjointement par une ONG internationale, PATH, et le Conseil indien de la recherche médicale (ICMR), financé par le ministère de la Santé. Les vaccins utilisés, le Gardasil et le Cervarix, ont été autorisés à la vente aux Etats-Unis et en Europe en 2008.

Ce qui est arrivé à Sarita a levé de nombreuses interrogations. C'est Brinda Karat, membre du Parlement présente lors de la conférence de presse organisée à cet effet mercredi dans la capitale, qui en explique les raisons: "Sur 14 000 fillettes vaccinées, toutes ont systématiquement déclaré des effets secondaires (mal d'estomac, migraines), 120 d'entres elle ont été atteintes de troubles graves (crises d'épilepsie), et 4 sont mortes."

La campagne controversée, décrite comme un "pur acte de philanthropie" par les autorités locales, recèle beaucoup de zones d'ombre : "Le programme n'a eu lieu que dans deux Etats, de surcroît dans des districts extrêmement pauvres. Ensuite, les fillettes visées par la vaccination sont clairement mal-nourries, d'apparence frêle, sans aucun papier d'identité ni acte de naissance pouvant justifier concrètement de leur âge."

Alors que les parents n'étaient même pas au courant, certains enfants pensaient se faire vacciner pour lutter contre des migraines et des fièvres. A d'autres familles, l'ONG a menti délibérément, assurant que le vaccin protégerait les jeunes filles à vie, sans effets secondaires. Seulement à l'heure actuelle, les chercheurs du monde entier s'accordent à dire qu'il faudra encore attendre 20 ans avant de déterminer l'impact du vaccin.

Autant d'interrogations en suspens, auxquelles s'ajoutent la remise en cause du rôle suspect du gouvernement ainsi que de la nature même du programme mené par l'ONG, qui s'est déroulé avec l'aval de New Delhi mais en dehors du système de santé public. "Les conditions primordiales d'encadrement de tests médicaux sur la population, comme la formation du personnel médical et la présence de structures adaptées, n'existent pas dans les districts concernés. C'est une violation de la loi."

"Qui est alors responsabBoldle ?" C'est la question qu'aimerait poser Brinda Karat au Premier ministre lors d'un éventuel rendez-vous, alors qu'actuellement, la campagne est toujours en cours dans les écoles publiques et privées de l'Andhra Pradesh et du Gujarat, à l'aide d'ateliers spéciaux organisés par des membres de PATH. Elle fait écho à la déclaration des parents de Sarita : "Nous ne voulons pas que d'autres parents souffrent comme nous souffrons. Nous voulons que le gouvernement prenne des mesures immédiates contre les personnes coupables, qui ont tué notre fille."

Une réponse de Manmohan Singh sonnerait sûrement la fin complète et définitive de ce programme et le début d'une prise en charge responsable des enfants touchés. Des mesures devront ensuite être mises en place pour protéger la population à l'avenir, pour éviter qu'un programme d'une telle envergure ne puisse être reconduit avec la même impunité.

Publié sur Aujourd'hui l'Inde (http://www.aujourdhuilinde.com/)