
L'Inde aurait trouvé un nouvel argument pour faire lever l'interdiction du port du turban sikh sur les photos d'identité de cette communauté religieuse vivant en France. Selon elle, les autorités françaises enregistreraient des informations inexactes en procédant ainsi, rapporte The Times of India.
En effet, pour Preneet Kaur, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères : "La France prend des photos et des empreintes digitales comme des marqueurs d'identité. Or si les Sikhs sont photographiés sans turban, alors elle enregistre des données inexactes car normalement un Sikh porte toujours un turban," explique-t-elle dans le quotidien.
Tandis que cette question est actuellement étudiée par le gouvernement français, la secrétaire d'Etat indienne confie avoir bon espoir qu'elle soit résolue très prochainement. Selon elle, la visite en France en juillet dernier du Premier ministre indien Manmohan Singh, lui-même sikh, constitue un "message fort," prouvant que la France n'est pas hostile au turban.
Monsieur Mann Shingara Singh, Président de l'ONG United Sikhs en France, ne partage néanmoins pas l'enthousiasme affiché de Madame Kaur. Contacté par téléphone, c'est avec des rires ironiques et de longs soupirs qu'il réagit: "C'est comme d'habitude. Vous savez, ce n'est pas la première fois que l'on reçoit ce genre de communiqué. Si c'est réussi par le gouvernement indien, très bien, mais pour être honnête, nous ne comptons plus sur la politique."
Il est vrai que toutes les tentatives par les Sikhs en France, pourtant appuyée par le gouvernement indien ainsi que la diaspora indienne, ont jusqu'à présent échoué. Ils tentent en vain de convaincre Paris de modifier les nouvelles normes relatives aux photographies sur les documents français d'identité (passeports, cartes d'identité, permis de conduire), introduites en 2005 dans la loi sur la laïcité.
"Je suis chauffeur de taxi à Paris, de nationalité française et d'origine indienne. Pourtant je suis dépourvu d'identité." Le Président de United Sikhs avoue ne plus être en possession de son permis de conduire depuis 2004, mais continue d'exercer mon métier malgré tout. "Si je croise des policiers et qu'ils m'arrêtent, eh bien ils me donnent une amende et je la paie. Il faut bien continuer à travailler," nous explique-t-il.
La loi controversée sur la laïcité, votée par le Parlement français le 15 mars 2004, interdit le port de tenues, signes ou symboles qui manifestent ostensiblement une appartenance religieuse dans des lieux comme les écoles ou hôpitaux publics. Dès lors, des élèves sikhs portant le turban ont été exclus d'établissements scolaires publics tandis que plusieurs adultes sont actuellement en procès pour garder leur turban sur leurs papiers.
"La communauté sikhe, qui compte de 10 000 à 11 000 membres en France, vit cette loi comme une entrave profonde à la pratique de sa religion," explique Monsieur Singh. En effet, tout comme le Kesh (les cheveux non coupés et la barbe) ou le Kirpan (poignard traditionnel), le turban est l'un des cinq attributs que doit obligatoirement porter un homme de cette religion, sans jamais s'en défaire. Pour eux, l'enlever signifierait renoncer au principe de laïcité pour un Français Républicain.
C'est en effet dans la conception même de ce principe que réside le nœud du problème. Car tandis qu'en Inde la laïcité se définit comme une neutralité de l'Etat et donc comme une acceptation de la liberté religieuse, l'Etat français voit en elle le droit de limiter cette liberté au nom de l'égalité devant la loi.
C'est donc le status quo au niveau politique. Les requêtes de la communauté sikhe ont jusqu'ici été ignorées par Paris. La France n'apparaît pour le moment pas prête à repenser sa définition de la laïcité, même si c'est le géant et partenaire indien gouverné par un homme au turban bleu qui le lui demande.
Publié sur Aujourd'hui l'Inde (http://www.aujourdhuilinde.com/)