Khari Baoli, situé dans le prolongement occidental de Chandni Chowk, regorge de marchands d’épices, de thé et de fruits secs, en gros et au détail. Ici, les produits, aux multiples couleurs et parfums plein de promesses, s’alignent en équilibre précaire, savamment calculé, dans les petites échoppes ouvertes qui bordent les ruelles bondées.
Il faut donc d’abord se faufiler pour atteindre les boutiques épicées. Car les rues sont encombrées de rickshaw-vélos audacieux, zigzaguant dans la foule dense et criante des personnes qui s’agitent. Parallèlement, de vieilles charrettes en bois, patinées par le temps, se fraient difficilement un chemin dans la foule, parfois vides et soulagées, parfois résistant sous le poids de marchandises prometteuses.
Finalement, après avoir transcendé la vague humaine mouvante, les deux petites échoppes voisines de Saurav et Meenu, propriétaires à Khari Baoli, se dessinent sur le trottoir. Gardiens de leurs épices, ils trônent derrière des piles colorées, en attendant les clients.
"Je vends des épices pour la cuisine, tels de la cardamone ou du safran, mais aussi des herbes ayurvédiques utilisées comme traitement médical", nous indique Saurav. "J’ai du réglisse par exemple, c’est très bon pour la santé, et ça rend heureux!" lance Meenu. La jeune femme nous montre également du Hara et du Katira, deux plantes utilisées pour lutter contre des problèmes digestifs.
D’autres échoppes s’alignent indéfiniment à l’horizon de la rue. La première bifurcation à droite plonge le visiteur dans une ambiance autrement particulière, et surtout plus intense : c’est l’entrée du marché de gros, le plus grand en Asie. Les odeurs, le confinement, la multitude piquent les yeux et font tousser sans relâche les non-habitués.
Des piments rouges, du sel minéral, des noix de lavage, du lichen, du thé et bien d’autres s’entassent dans des gros sacs de jute. Très peu de touristes viennent apparemment visiter ce lieu, comme nous confie un vieux marchand de mangues séchées, qui vend ses produits depuis quinze ans à Khari Baoli.
En ressortant de cet univers et réintégrant celui des vendeurs au détail, la boutique d’Anshu Kumar se fait l’office d’un havre de paix pour le voyageur désorienté. Sans aucun attrait qui la différencierait des autres dans la rue, elle serait pourtant vieille, d’après ses dires, de 92 ans.
"Nous exportons beaucoup à l’étranger, principalement aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, mais aussi en Afrique du Sud, aux Pays-Bas et en France, dans le quartier de la Gare du Nord", nous explique-t-il, tout en nous faisant sentir ses gousses de vanille doucement odorantes en provenance du Kerala (Sud).
"Nous importons du gingembre de Chine, de la cannelle du Vietnam et d’Indonésie, ou encore du poivre du Sri Lanka", nous explique Anshu Kumar. Car même si l’Inde est riche en épices, il est parfois moins cher d’en importer, pour une qualité supérieure.
Alors qu’elles ne sont aujourd’hui que de banals ingrédients de nos plats culinaires, il fut un temps où les épices étaient aussi précieuses, et en conséquence, rares et chères que l’or ou les diamants. Khari Baoli continue à leur conférer cette importance millénaire et ce respect fasciné d’autrefois, pour des richesses que le monde entier continue de convoiter.
Publié sur Aujourd'hui l'Inde (http://www.aujourdhuilinde.com/)